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Le temps est couvert cette après-midi, et le plafond nuageux descend
doucement. La montagne de Clappe, orientée sud, a perdu son manteau neigeux
cette semaine, les températures ayant été très douces. Par contre, il
reste de nombreuses plaques de neige ; parfois assez épaisses, dans lesquelles
on s'enfonce jusqu'à mi-mollet, derrière les quelques pins disséminés
dans la lande.
Au départ, nous progressons à travers une lande à genêts, sur une espèce
de piste au début, qui très vite se transforme en sentier.
Tout près du sol, une belle bande de corvidés s'active. Certains posés,
d'autres en vol en rase mottes. Au vu du nombre, il doit s'agir de chocards,
mais nous sommes encore trop loin, malgré les jumelles, pour distinguer
la couleur du bec. Il y en a au moins 200. Les alouettes des champs chantent.
Nous progressons rapidement. Nous nous sommes rapprochés des corvidés.
Nous voyons maintenant distinctement la couleur du bec. Il est bien jaune.
Notre première impression était la bonne, ce sont bien des chocards à
bec jaune.
Un petit coup de jumelles sur les flancs de " la Blache ", à la recherche
des mouflons. Après quelques minutes d'observations, un petit groupe,
un groupe de 7 est aperçu à peu près en face de nous. Ce groupe est composé
de 7 mâles, visiblement assez âgés au vu de la forme des cornes, qui forment
presque un cercle complet. La tache blanche des flancs est assez grande,
mais plus ou moins claire en fonction des individus. Il y en a un couché
dans l'herbe jaune, tandis que les autres broutent tranquillement. Pour
le moment, nous ne les dérangeons pas, nous sommes encore trop loin. Plus
à droite, encore un autre groupe composé de 3 mâles également. A gauche,
cette fois-ci, sur une croupe de l'autre côté du ravin des Escuettes,
un autre groupe de mâles. Ils sont ici 13. Ce qui nous fait un total de
23 mâles. Mais où sont les femelles ?
Le terrain est relativement découvert, et il va être difficile de s'approcher,
d'autant que dans ce secteur, ils sont chassés, et donc particulièrement
méfiants. Mais on verra bien. On tente de se rapprocher un peu. Premier
objectif, atteindre les 2 mélèzes à quelques dizaines de mètre devant
nous… Ca y est, nous y sommes. Silencieusement, et avec précautions, nous
sortons les longue-vues des sacs à dos. Nous sommes seulement à 150 mètres
des 7, ce qui nous permet de les admirer longuement. Par contre, nous
sommes repérés. Ils restent paisibles, mais pendant que certains mangent,
d'autres (1 ou 2) ruminent et ne nous quittent pas des yeux. Un rapide
coup de longue-vue sur le groupe des 3 nous permet de voir qu'un des 3,
sans doute un vieux mâle, au vu des grosses cornes, qu'il en a une coupée
à peu près à mi-longueur. Les restes d'un combat qui a mal terminé pour
lui ? Lorsque l'on revient sur le groupe de 7 avec les longue-vues, on
s'aperçoit qu'ils sont en train de courir et remontent la pente. Le groupe
de 13 a lui aussi disparu. Ils ont du descendre dans le ravin. Seulement
2, puis 3 apparaissent sur une vire un peu sur la droite. Etrange, nous
n'avons pas bougé et nous ne voyons personne autour de nous.
Nous reprenons les longue-vues sur le dos et continuons notre approche,
avec comme point de mire 2 grands pins sur la crête. Après quelques détours,
à cause de grandes plaques de neige molle, nous arrivons enfin aux pins.
Et là, nous pouvons tout à loisir admirer ces grands ongulés Leur pelage
est sombre, et leurs grandes taches blanches du flanc contrastent encore
plus. Leur tête massive, sombre également est surmontée de 2 énormes cornes
arrondies. Pour certains gros mâles, elles forment quasiment un cercle.
Il paraît qu'une corne peut peser jusqu'à 6 kilos et mesurer 85 centimètres
de long. Ils possèdent aussi une belle crinière sombre sous le cou. Les
plus gros d'entre eux en ont également une fournie sur le cou.
Le ventre et l'intérieur des pattes est également blanc. Avec leurs cornes
qui partent en s 'évasant vers l'arrière, ils ont l'air majestueux. Dans
ce groupe-ci, il y a également une autre bête avec une corne cassée, mais
le morceau manquant est nettement plus petit que celui de l'autre mâle.
Peu à peu, les 9 autres du groupe remontent du ravin, et maintenant, tous
les animaux sont réunis. D'autant que les 7 de l'autre groupe les ont
également rejoint. C'est donc une harde de 23 mâles qui se trouvent devant
nous. Pendant ce temps, le plafond nuageux continue de descendre, et maintenant,
le haut de la tête de Clappe est pris par les nuages. Il y a même quelques
flocons qui volettent au dessus de nos têtes, tandis que plus haut, les
mouflons sont carrément dans la tourmente et les bourrasques de neige.
Mais cela ne semble nullement les perturber, et ils vaquent placidement
à leurs occupations, tantôt debout et broutant, tantôt couchés et ruminant.
Tout est calme. La luminosité diminue nettement, et les flocons deviennent
de plus en plus nombreux. Soudain, un claquement sec retenti, comme le
choc d'un bruit d'un choc entre 2 objets lourds. Une pierre qui roule
?
Vite, les longue-vue entrent en action. On cherche dans le groupe si l'on
voit quelque chose. Pas de pierre qui roule ! Par contre, 2 mâles, parmi
les plus gros simulent un combat. Enfin 'simuler' n'est peu être pas le
meilleur terme tant l'assaut et la frappe sont violent. Les 2 protagonistes
se jaugent, reculent d'une vingtaine de mètres, replient les pattes arrières
afin de se propulser encore plus fort en avant. Ils courent, baissent
la tête, et projettent fortement la tête en avant, cornes contre cornes.
Le choc est terrible. Au bout d'une seconde, le bruit sec parvient à nos
oreilles. Cette attitude semble stimuler les autres, qui aussitôt viennent
taper à coup de cornes les flancs des autres bêtes. Bref, ça se transforme
durant quelques secondes en une mêlée généralisée. Le même manège se reproduira
une dizaine de fois. Durant ce temps, on observera également une simulation
d'accouplement entre 2 mâles. Pourtant, la période de rut est terminée
depuis décembre. Est-ce une sorte de jeu ? Ou un maintient de la hiérarchie
?
La neige mouillée qui tombe maintenant nous contraint à replier les longue-vues.
Durant la descente glissante sur les pierres mouillées et dans la neige
molle, nous levons, bien involontairement un lièvre, qui doivent être
nombreux au vue des nombreuses crottes qui ornent le versant. C'est également
ce moment que choisi un aigle royal pour nous survoler. C'est un individu
de 2 ° hiver, les caudales sont bien blanches, ainsi que les cocardes
sur les ailes. Il nous dépasse donc d'un léger vol plané, et décroche
50 mètre devant nous, disparaît derrière un relief du terrain, essayant
de capturer une proie. Peut-être le lièvre de tout à l'heure. Mais c'est
un échec, et se ré envole bredouille. Quelques coups d'ailes vigoureux
lui permettent de reprendre rapidement de l'altitude et de repartir d'un
long vol plané. Y a pas à dire, c'est quand même un merveilleux voilier.
Voilà une observation qui termine bien la journée.
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